jeudi 29 mai 2008

Coffee





Café virtuel



L’idée m’avait traversé la tête, le matin, sur le train à propos de ma collègue préférée hospitalisée pour une sérieuse opération. Lui envoyer en MMS la photo d’un café simplement, café virtuel, sans doute mais que j’aurais volontiers partagé avec elle comme cela nous arrivait une ou deux fois par semaine. La machine à café du fond, réglable pour la dose de café, n’avait plus de gobelet en carton et refusait donc de livrer la commande. En solution de remplacement, j’allais chercher à la cuisinette un gobelet en plastique, qui au retour était devenu deux car cela me semblait plus logique de faire la photo avec deux récipients.
Entre temps la machine, s’était mise en statut « Dérangement. »

Les deux gobelets en plastique en main, je me rendis au coffee corner près de mon bureau pour commander enfin le café que je souhaitais boire. La machine fonctionnait correctement et j’eu alors en main, un café servi dans un gobelet en carton,deux gobelets en plastique blanc vide que je déposais sur la table du coffee corner pour faire la photo et enfin envoyer le MMS.
Coïncidence curieuse, la vue de ces gobelets me suggéra que,j’avais en face de moi, le symbole de la gémellité ;
-le survivant (café chaud dans le gobelet en carton)
-l’évanescent,le gobelet blanc, comme un ange, vide et abstrait.

Ma collègue, pouvait aussi être vue comme la jumelle manquante, disparue de l’espace commun.
Il y avait toujours des traces de cet événement, sans doute d’une manière subtile et poétique mais combien juste.
Comme si l’extérieur me symbolisait une fois de plus, dans un ballet ordonné de coïncidence, à nouveau ma problématique de jumeau.
Comme pour Sherlock Holmes, un indice supplémentaire se versait bien malgré moi au dossier pour l’épaissir.

samedi 24 mai 2008

Clivage

Dans un entretien de sa clinique, l'auteur entendait un patient lui parler d'une demande essentiellement féminine. Son patient était un homme.
Suis-je fou pour relever ce fait, lui dit le psy.Une femme me parle et j’ai un homme sur mon divan.
L'interprétation ne choqua guère le patient qui au contraire en fut utilement perturbé.
Sa thérapie fit un pas en avant.

Un élément féminin cohabitait, avec un élément assurément et pleinement masculin.
Dissociation expliquée comme la matérialisation de la projection d'une mère pouponnant un fils qu'elle aurait voulu fille.

Hypothèse, explicative sans doute mais que penser d'une autre hypothèse tout aussi folle peut-être d'un survivant en deuil de sa jumelle qui gardait en temps que locataire psychique celle-ci.

Echo à "Jeu et réalité" D.W. Winnicott Folio Essais Chapitre 5 La créativité et ses origines. §§ sur le Clivage; page 139 et suivantes.

samedi 17 mai 2008

Chaussettes


Elles étaient placées les unes à côté des autres sur le bord de la petite manne à linge, au pied de l’évier double à gauche, celui dont on ne se sert jamais, sinon pour déposer les cintres et objets en passage vers le rangement.
Cette mise en rectangle des chaussettes orphelines n’était pas, je crois mon choix, mais le sien. En principe, je les empilais sur la deuxième planche de l’armoire, à droite, en attendant, excédé par leur nombre de tenter, de les appareiller.
Tache difficile car la plupart étaient sans caractères, unies et de teintes sombres. Souvent, seule la texture et le tricotage des bords permettaient de trouver leur double. Leur nombre m’excéda.

Comment était-ce possible de les faire disparaître à cette allure, une de temps en temps passe encore mais par exemple les vertes, avec une rangée longitudinale de petites fleurs colorées, comment était-ce possible de les égarer. Visibles jolies, elles ne pouvaient se perdre.
Quel était le prédateur qui agissait ainsi à couvert.

Depuis longtemps les chaussettes perdues avaient été un de mes soucis domestiques majeur. Où passaient-elles! Sans doute était-ce toujours les mêmes, entassées à nouveau tous les 6 mois. De mémoire de propriétaire, il y avait bien dix ans que certaines attendaient un compagnon ou une compagne, ou l’autre car elles étaient de toutes façons asexuées.

Le thème était récurrent, les appareiller, faire un tas d’abord, patiemment par teinte, motif, textures,leur trouver un double. Peine perdue d’ailleurs car d’expérience j’aurais pu dire qu’après 15 jours, la solitaire s’enfonçait dans le célibat définitif.
Il y avait aussi une impossibilité chez moi, d’écarter celle qui définitivement en rade présentait son inutilité dérangeante.
Cela me fendait le cœur de l’éliminer et je n’aurais jamais envisagé froidement de la mettre à la poubelle. La pensée, je la retrouverais, la manquante, dès que j’aurais jeter la première, m’obsédait, me figeait.
Je ne pouvais leur faire le sort, injuste d’inutilité. N’attendaient-elles pas courageusement dans leur solitude leur compagnon, leur compagne.

Etait-ce l’effet de la méditation qui m’avait cette fois donné l’outil pour ouvrir la boite à surprise, le trou noir qui cachait la motivation de cette habitude tenace de la collection inutile.
Ce n’était pas une question de prix, c’était peut-être, une question de principe, un TOC comme on dit maintenant, un TOC digne d’un vieux célibataire qui n’a pas la liberté de profiter de l’aubaine et de remplacer joyeusement celle qui avait failli et qui se remplissait lentement de poussières.

Ce matin j’avais un regard autre différent, je portais mon attention et soudain le flash se fit. Chacune attendait sa jumelle.
Un mot s’était glissé à la place de l’autre,ce n’était plus l’objet qui prenait mon attention. Le sens de la collection devenait clair.
Symboliquement, je ne pouvais éliminer le symbole de la quête de l’autre perdu.
Fondamentalement, je ne pouvais lui faire un sort et admettre de disparaître avec lui.
Une par une, elles s’étaient additionnées sur le bord, pour visuellement me conduire à cette constatation. C’était le nombre, plus que les teintes qui avait été nécessaire pour cette prise de conscience, que ma quête s’exprimait là aussi à travers mes chaussettes.