dimanche 2 août 2009

Lignée de mères

Comme un animal blessé,elle s’était retirée du monde pour panser ses plaies, pour que le temps fasse son œuvre. Cette retraite de restauration avait été nécessaire pour traverser l’épreuve que sa fille et elle, avaient vécues.
La lignée des mères avait été traumatisée par l’interruption médicale tardive d’une grossesse.
Touchée dans ses fondations, la mère en elle n’avait pas su mettre en mot ces moments douloureux.
Elle s’était isolée pour lécher ses plaies en attendant que d’une manière ou l’autre,la douleur s’apaise.
Dernièrement,elle nous avait exprimé son comportement par une analogie, celle de l’escargot. Elle était rentrée souffrante dans sa coquille pour soigner son indicible.
« C’est aussi que je me soigne, que je rassemble mes forces, que je prépare ma survie. »
Elle m’avait touchée profondément par son attitude de mère blessée n’acceptant pas la compassion et la tendresse que notre cercle convivial aurait pu lui exprimer fraternellement devant ce drame initié par le monde médical.L’enfant à naître, allait porter les stigmates d’un trouble génétique.
Un choix leur était proposé ; arrêter ou laisser aller la vie avec les conséquences estimées pénibles et difficilement gérables.
Avaient-elles choisi ensemble d’arrêter cette vie ?

Le choix réactivait un drame du passé, c’était sûr. Il n’y avait pas la froide décision d’une détermination argumentée solidement. Il y avait la reminescence d’un traumatisme utérin vécu par elle. Le décès d’un fœtus jumeau faisait partie de ses mémoires corporelles. Elle était pour moi esseulée et venait d’en revivre la mémoire dans son aspect non verbal.

Au cours de l’année précédente, sa manière d’être m’avait touché lors d’un voisinage accidentel où elle déployait cette approche morphogénétique propre aux esseulés. Ce champ curieux manipulé dans les exercices haptonomiques m’était apparu a posteriori en complément d’une autre découverte.
Elle en était.
Sa souffrance le confirmait, comme le confirmait plus d’une expression dans la quête de l’autre que je décelais dans ses attitudes de vie.
Ayant porté la vie, pour que celle-ci se poursuive, elle était à présent focalisée sure la quête de l’autre, de celui qui avait disparu, le cherchant sans cesse, inlassablement.
Ce n’était pas l’amant qui comblerait celui-ci mais le frère ou la sœur qui avait partagé son premier espace de vie.
Ferait-elle un jour ce deuil.